A la croisée des chemins

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Témoignage

Résumé: 

La douleur et la souffrance liées à la maladie sont des thèmes à la fois profondément universels tout en étant singuliers. A la croisée des chemins témoigne ici d'une expérience personnelle inévitablement marquée par le poids des émotions, et d'une réflexion sans tabous sur les doutes et les interrogations existentielles d'un homme à un carrefour de sa vie. Mais il s'inscrit aussi plus largement dans une observation sans concessions de certaines pratiques sociales et sur les rapports individuels. Comme si la maladie avait cet avantage de libérer l'expression des sentiments, de s'affranchir de certaines contraintes morales. La problématique consiste à redéfinir et à retrouver sa place dans la vie professionnelle et sociale, à prendre d'autres orientations dans la complexité et les difficultés de l'existence. Nous sommes tous à des moments et en des circonstances donnés, confrontés à la croisée des chemins.

Extrait: 

   Durant l’été 2005, j’ai été incommodé par des impatiences nocturnes. Cette expression pourrait laisser libre cours à toutes les supputations, mais la réalité est autrement plus banale et moins excitante. Une impatience nocturne est cette impression désagréable de ne pas savoir où « mettre ses jambes », ce qui est bien évidemment un facteur d’insomnie.
    Suite à l’accentuation de ce phénomène, j’entrepris les premières démarches médicales. Après les examens de base qui n’apporteront pas d’explications, mon généraliste diagnostique que je suis atteint du « syndrome des jambes sans repos ». Mes premières recherches sur Internet me permettront d’en savoir un peu plus sur cette étrange pathologie. Les personnes qui en souffrent trouvent un certain réconfort à marcher, à se déplacer, l’immobilité étant un facteur de gêne et d’incommodité. Je rentre de plein pied dans la sphère de la neurologie : avec ses maladies identifiées et terribles comme celles de Parkinson, d’Alzheimer ou de la sclérose en plaques.
    Mais j’entre aussi dans un domaine qui recouvre un grand nombre de pathologies avec des variantes plus ou moins proches, dans un secteur où l’errance du monde médical est parfois manifeste. J’aurai malheureusement l’occasion d’en faire plus tard la triste expérience. Nous touchons à l’un de nos organes principaux qui est au coeur de toute la machinerie humaine : le cerveau. Les logiciels les plus performants font pâle figure face à ces milliards de neurones qui donnent lieu à d’innombrables connexions. Celui-ci est associé à l’intelligence, la mémoire, la motricité, les sens etc.
Je suis donc normalement dirigé vers un neurologue. Ne connaissant pas de spécialistes dans ce domaine, je prends l’annuaire des Pages jaunes et je choisis une personne dont le cabinet se trouve à proximité du lieu où je travaille. Je procède comme si j’avais dû avoir recours aux services d’un plombier ou d’un électricien.
    Lors du premier rendez-vous, je suis soumis aux questions d’usage et à des examens sur mon équilibre, ma motricité, mes réflexes… Rien d’anormal, mais je ressens de la part du médecin une certaine perplexité. Je ne me sens d’ailleurs pas très à l’aise avec lui, car je le trouve hautain, considérant le patient avec un certain détachement du haut de sa chaire. Mais bon, ce qui importe est d’être bien soigné, même si la médecine est aussi basée sur des rapports humains. La confiance envers son praticien joue certainement un rôle non négligeable dans le processus de guérison. On procède bien à des tests placebo pour les médicaments !
    Les premiers traitements médicamenteux ne donnent rien. Les impatiences sont toujours présentes, mais la maladie prend une toute autre tournure avec l’apparition de douleurs musculaires au niveau des jambes. Ces douleurs progressent en intensité et en fréquence, un nouveau rendez-vous chez le neurologue s’impose. Je trouve alors celui-ci plus agréable, mais ces douleurs musculaires rendent le diagnostic encore plus flou. Je rentre progressivement dans la spirale du protocole médical : rendez-vous – prescription médicamenteuse – rendez-vous pour faire le point et essayer un autre traitement… Mais le temps du malade n’est pas celui de la médecine. Les douleurs s’intensifient, je bouge de plus en plus mes jambes pour me soulager, comme un coureur de fond qui essaie de détendre ses muscles après de longs et rudes efforts.

 

La génèse: 

Le premier livre est un témoignage au sujet de ma maladie dont les premières manifestations ont commencé en juin 2005. Obligé d'interrompre mon activité d'enseignant trois ans plus tard, j'entre de plain-pied dans une phase de souffrances physiques et morales, au cours de laquelle, la rupture maintes fois repoussée, constitue une étape difficile à accepter. Après avoir couché sur le papier ce vécu et un certain nombre de sentiments,vient presque logiquement le désir de les rassembler pour en faire un ouvrage structuré et cohérent. La démarche n'a en soi rien d'originale, car nombre de personnes atteintes par un traumatisme aux origines multiples éprouvent le besoin de s'exprimer par le biais de l'écriture dans une logique thérapeutique. Bien évidemment, les années qui suivent m'en apprendront davantage et feront évoluer ma réflexion, mais le parcours chaotique, sinusoïdal, traumatologique, de cette maladie aux origines et aux traitements inconnus, me plongera de plus en plus dans la déception et la désillusion.

Au-delà du thème abordé, j'avais réussi à publier un livre qui était un réel motif de satisfaction, mais qui me laissait surtout entrevoir la possibilité de combler le vide par le biais de l'écriture. Cependant, écrire sa propre histoire est à la fois «facile» et douloureux, mais s'engager dans des genres différents me paraissait un exercice aléatoire et d'un autre degré d'exigences. Il fallait tout de même essayer, ne serait-ce que pour trouver une activité de substitution partielle à une activité professionnelle de plus en plus éloignée du quai.